Comprendre la thérapie systémique stratégique : une approche relationnelle et inclusive
En résumé
- La thérapie systémique stratégique s’intéresse aux relations et aux interactions, plutôt qu’aux individus isolés.
- Elle considère les problèmes comme des boucles relationnelles, pas comme des "failles personnelles".
- L’approche stratégique cherche à changer la dynamique par de petites transformations concrètes.
- Cette vision est inclusive et dépathologisante : elle valorise les ressources de chacun·e et remet en question les normes sociales oppressives.
- Elle peut être appliquée en individuel, en couple, en famille ou dans des collectifs.
Introduction
Quand on parle de thérapie, beaucoup imaginent une personne seule face à un.e psychologue, cherchant à réparer une fragilité. La thérapie systémique stratégique, également appelée thérapie brève, propose un regard fondamentalement différent : le problème ne réside pas dans la personne, mais dans les interactions qu’elle vit au quotidien.
Cette approche, à la fois concrète et engagée, nous invite à sortir de perspectives qui psychologisent excessivement pour replacer chaque individu dans ses contextes relationnels, culturels et sociaux.
Une thérapie qui étudie les relations
La thérapie systémique s’appuie sur un principe central : nos comportements et nos souffrances prennent sens dans les relations que nous vivons.Autrement dit, un problème n’est pas considéré comme quelque chose qui ne va pas chez une personne mais comme le résultat d’interactions qui se répètent et s’amplifient.
Exemple :
Si un adolescent se montre rebelle, la thérapie ne se demande pas seulement quel est son problème mais plutôt : comment ses réactions et celles de ses parents s’entretiennent mutuellement.
L’approche systémique consiste donc à déplacer le regard d’une personne définie comme fautive vers le fonctionnement de la dynamique interactionnelle. C’est ce changement de perspective qui permet de trouver de nouvelles issues.
La dimension stratégique : agir autrement
L’adjectif "stratégique" souligne que cette approche ne se limite pas à analyser ou à comprendre et propose des expérimentations concrètes au service de la résolution d’un problème.
Plutôt que de chercher la cause originelle de ce problème (comme un traumatisme ancien), la thérapie stratégique se concentre sur comment le problème prend place et se maintient aujourd’hui.
Le ou la thérapeute peut proposer des exercices de réflexion ainsi que des tâches à expérimenter entre les séances. L’objectif est de créer une petite différence qui en entraînera d’autres.
Une approche inclusive et dépathologisante
Dans une société qui a tendance à psychologiser ou médicaliser les souffrances, la thérapie systémique stratégique se distingue par une posture inclusive :
- Elle refuse de réduire les personnes à des diagnostics.
- Elle valorise les ressources présentes dans chaque système relationnel.
- Elle reconnaît l’impact des rapports de pouvoir et des normes sociales (sexisme, racisme, homophobie, validisme…) sur le bien-être.
Ainsi, une femme en burn-out peut être comprise non pas comme fragile mais comme prise dans un système de surcharge et d’inégalités de genre au travail et à la maison. La thérapie ne vise pas à réparer la personne mais à transformer les dynamiques qui l’épuisent.
Pour qui, et dans quels contextes ?
La thérapie systémique stratégique s’adresse à une grande diversité de situations :
- Individus qui veulent comprendre leur rôle dans leurs relations.
- Couples ou mêmes ami.e.s en difficulté de communication.
- Familles confrontées à des conflits ou à des symptômes chez un.e membre.
- Collectifs (écoles, associations, entreprises) qui rencontrent des blocages dans leur fonctionnement.
L’interaction de soi à soi : quand le dialogue intérieur devient un système
On pourrait comprendre que la thérapie systémique ne concerne que les relations avec les autres. Pourtant, elle s’applique aussi en thérapie individuelle, car nous portons en nous nos propres systèmes.
En effet, nos pensées, nos émotions et nos comportements interagissent constamment.
C’est un cercle vicieux interne, une interaction de soi à soi. La thérapie stratégique aide à interrompre ces boucles en proposant des tâches concrètes qui permettent de sortir du dialogue intérieur limitant.
Exemple : une personne qui rumine sans cesse ses erreurs
Lors d’une thérapie brève, cette personne peut être invitée à ritualiser un temps spécifique de "rumination volontaire", ce qui déplace la relation qu’elle entretient avec elle-même et apaise ainsi ses pensées intrusives.
Ainsi, même seule face à elle-même, il est considéré que la personne dialogue avec ses représentations, ses normes, son histoire et ses anticipations.
Déconstruction des idées reçues
En France, comme la thérapie systémique stratégique est moins connue que d’autres approches, elle est entourée de quelques mythes :
- Cette thérapie est seulement pour les familles. → Faux : elle s’adresse aussi aux individus et aux organisations.
- C’est de la manipulation. → Non : elle propose des expérimentations transparentes, toujours discutées et adaptées aux besoins de la personne ou du groupe.
- C’est rapide donc superficiel. → En réalité, son efficacité vient du fait qu’elle agit sur les cercles qui entretiennent le problème, plutôt que sur les symptômes seulement.
Conclusion : une thérapie pour changer nos manières d’être ensemble
La thérapie systémique stratégique n’est pas seulement une méthode thérapeutique : c’est aussi une manière de voir le monde. Elle nous rappelle que nos souffrances ne sont jamais isolées, car elles prennent racine dans nos relations et dans les normes qui les traversent.
En ce sens, elle n’est pas neutre : elle est engagée pour l’inclusion et la justice relationnelle. Elle nous invite à cesser de nous percevoir comme des acteur.rices capables de transformer les dynamiques dans lesquelles nous sommes pris.es.